D'abord employée dans des maisons de couture, dont, en guise de toute-petite main, dans la boutique de mode de la célèbre Rose Bertin, modiste attitrée de Marie-Antoinette, dont elle fut renvoyée à cause de son son parler trop franc, et de son manque de tact envers une cliente souvent noble, très sensible à la courtoisie et à la délicatesse ; ainsi, un jour, procédant à l'essayage d'une robe sur une Duchesse plus qu'enrobée, elle ne put se retenir de dire : "la robe est fort belle, mais qu'est ce que vous faites gros tas là-dedans"!. La dame ne le prit pas bien et obtint son renvoi.
Convaincue d'avoir du talent malgré cet incident, elle ouvrit en 1788 sa propre boutique, à l'enseigne sans modestie de "A LA LAINE de Qualité Royale" .
Ambitieuse, et voulant elle-aussi décrocher une clientèle huppée, elle prit des cours de bonnes manières et de diction, et affecta désormais un langage précieux ; hélas, elle ne s'attira que la clientèle des bourgeois, et de quelques anoblis de fraiche date, cela ne lui suffit point: voulant se faire remarquer et obtenir l'agrément de la Cours, elle résolut de tricoter avec la laine la plus chère qui soit, un chandail pour le petit dernier de la famille royale, le dauphin Louis-Charles futur louis XVII, se rendit à Versailles, se rendit à Versailles et le remit à un huissier.
Elle reçut dix jours plus tard, porté par un gendarme, un pli, contenant quelques mots de remerciement, mais non de la Reine comme elle l'avait naîvement espéré, mais de la part d'une des dames d'atour de la princesse de Lamballe, gouvernante des Enfants de France :
"Madame, je vous remercie du bienfait de la confection de votre habit à l'intention de Monseigneur le Dauphin, ce don sera remis à l'officier de la garde-robe".
Bien que dècue par cette missive impersonnelle, sans signature bien que portant l'en-tête du Palais, Elle montra la lettre à sa clientèle, pour se faire mousser, mais n'eut en retour que des moqueries et remarques acerbes :
"Mais enfin, pauvre idiote, le dauphin il ne le mettra jamais ton tricot!! ces gens-là ne portent que de la dentelle ou du cachemire !!"
ou alors :
"l''autrichienne l'aura jeté au feu, ton chandail, l'imagine tu toucher la laine du peuple !! elle ne touche que les moutons à rubans de sa bergerie de versailles !!"
ou encore, mettant en doute son honnêteté :
"C'est même pas signé de la Reine""
"Qu'est ce qui nous prouve que ... !"
"Avoue donc, c'est un faux que t'as fait toi-même pour te promouvoir, vantarde! ah tu manque pas d'air la Jeanne ! "
"On sait plus ou les mettre vos tricots !".
Vexation. Elle se fit une raison.
Puis, un jour de début 1792, elle croisa ce même huissier en balade, avec ses enfants, et sur le garçon de sept ans, que vit elle : l'un des derniers chandails qu'elle avait tricoté pour le Dauphin.
Vexation ultime. Son sang ne fit qu'un tour.
Ulcérée, ruminant sa rancoeur, elle conçut envers la monarchie - déjà fort discréditée - une haine irrationnelle, mais contrairement à beaucoup de ses contemporains, non basée sur des considérations politiques ... Elle résolut de rejoindre un groupe de femmes qui assistait aux séances du club des jacobins dont l'influence grandissait, avec un orateur tel que Robespierre.
Ayant renommée sa boutique "A LA LAINE REPUBLICAINE", puis "A LA LAINE MONTAGNARDE" Elle devint une "tricoteuse" assidue, retrouvant sa gouaille d'antan et oubliant les bonnes manières, sombrant même dans une encombrante vulgarité ; assistant aux séances de la convention, elle était la première à crier "vendu", "pourri" aux députés.
Quand vint le temps de la terreur et les fournées de la guillotine, elle allait comme nombre de ses consoeurs, les TRICOTEUSES, s'asseoir aux premier rang du terrible spectacle de la guillotine ; elle y allait comme à la mercerie...
Dans son journal de commandes de tricots, elle indique même les faits marquants :
"tricoté pendant la décollation de Malesherbes"ou
"mailles achevées lors de l'exécution du ci-devant Roi, aiguilles retirées pile au moment du lâcher de la tête dans le panier "ou encore
"Manche droite tricotée pendant la punition de l'Autrichienne"
Son esprit commerçant étant développé, elle vendit plus cher les chandails achevés lors de l'exécution de "célébrités" !!
Elle tricota même une écharpe pour Robespierre, envoyé le 6 thermidor, avec ce mot qu'avec le recul historique on jugera un peu incongru :
"pour protéger votre cou si fragile" !!
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Un dessin d'époque (juin 1794) : Quelques documents sur le "phénomène" des tricoteuses, "furies de la guillotine" ::
http://guillotine.cultureforum.net/t1789-les-tricoteuses-furies-de-la-guillotine
http://www.histoire-image.org/site/oeuvre/analyse.php?i=951
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