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lundi 17 novembre 2008

A L'"EPOC'H"... de NICOLAS LE FLOC'H !

Je ne suis pas spécialement fan de polars, mais j'ai découvert il y a trois ans la série des enquêtes de Nicolas LE FLOC'H, "marquis de Ranreuil", commissaire de police à Paris vers 1760-1780 sous Louis XV d'abord puis sous Louis XVI. Un personnage jeune, dynamique, charmeur et policé, mais réaliste, créé par Jean-François PAROT.. Je conseille toute la série (actuellement 7 titres dont 6 en collection poche 10/18 série "Grands détectives"). Une adaptation télévisée, plutôt réussie, est actuellement diffusée.

Mon avis :
Le langage de narration, comme les dialogues, est au premier abord très- trop?- "dix-huitièmesiécliste" et parfois ardu - il y a un petit glossaire à la fin- mais globalement c'est abordable, autant pour les amateurs de l'époque des "guerres en dentelles" que pour des non-passionnés d'histoire.. il y a certes des longueurs dont on pourrait se lasser (les recettes de cuisine, les descriptions un peu trop précises, quasi balzaciennes parfois).. les intrigues, assez complexes, ne sont finalement qu'un prétexte à l'immersion dans la société du XVIIIe à la fois intelligente, raffinée et aussi cruelle... entre les bordels parisiens et Versailles, entre les hôpitaux et les abattoirs... la justice apparaît sous les deux aspects : procédurale et fonctionnarisée, mais aux pratiques encore barbares mais légitimées, comme l'usage de la "question" encore couramment appliquée ou les châtiments publics à "forte valeur d'exemplarité démonstrative", tels l'écartèlement (oui bon, mais relativisons : une seule application au XVIIIe siècle) ou la roue... (que nous devons à François 1er, d'ailleur, qui l'importa d'italie en 1515 ! ) ... heureusement, 1789 et les droits de l'homme, c'est plus que dans 20 ans !! Le contexte historique est assez bien décrit, mais -selon moi- il y a un léger déficit d'explication préalable et on peut vite s'y perdre si on ne connait pas auparavant les principaux faits et la "culture" de la période..
Quelques documents commentées de cette époque contrastée et annonciatrice d'immenses changements :

d'abord : LE
"BEAU" XVIIIe siècle .... "le jeune MOZART" chez Madame de Pompadour (laquelle est un personnage réccurent de la série des LE FLOCH') . Je précise que ce tableau "de genre" a été peint non au XVIIIe mais vers 1850 !

et maintenant, LE "MOINS BEAU " XVIIIe siècle ....

UNE PUNITION "MARQUANTE" au 18 e siècle ... (manuel de 1919)

... çette image m'a "marqué": LA VEUVE DESRUE était la femme d'un célèbre empoisonneur qui fut "roué" à Paris en 1777. je suppose que sa complicité, supposée, n'a pu être prouvée car alors elle aurait certainement été aussi mise à mort.

Encore ne fait t'on dans le livre pas de gravures sur les autres supplices encore pratiqués à l'époque, tels que le bûcher (mais avec étranglement avant, dans la majorité des cas, c'est plus humain qu'au moyen age) la roue, encore assez courante (importée d'Italie au XVIe siècle, juste après 1515-marignan par François 1er - , ou l'écartèlement (très rare! 1 seul cas au XVIIIe siècle) .. ah la justice, elle passait et on la "voyait passer", c'était une justice démonstrative, misant sur l'effet de l'exemplarité! mais à l'époque, l'aspect "supplice-spectacle" était cependant déjà contesté par les esprits éclairés, et dés les années 1750 il y a en France parution autorisée de livres sur la nécessité de la réforme et de "l'adoucissement" des peines.

mais, bien que cruelles, ces peines étaient pratiquées parce que tout à fait LEGALES ! c'est écrit dans le règlement, M'sieur :


la preuve dans le traité de 1771 (pile l'époque de LE FLOCH) :
"tableau des PEINES APPLICABLES EN FRANCE", recensées sous l'autorité de M. JOUSSE (Daniel de son prénom...), grand juriste et criminaliste de l'époque :Peux-on donc rétrospectivement reprocher aux juges de l'époque (peu indulgents il est vrai...) d'avoir simplement appliqué la loi ?

Le feu, la roue, et on dit non pas l'écartèlement, mais - c'est plus poétique - "la peine d'être tiré à quatre chevaux" !!! et ces diverses peines peuvent en plus être combinées, cumulées, sans compter la "question" appliquée avant... aie aie aie rien qu'à lire çà déja on ressent comme une petite douleur .. comment s'étonner de la cruauté des juges d'alors .. puisque c'était recommandé par le code ! " Punir" n'était pas un vain mot ! enfin, comme peines légères, il y a le "blâme" et l'"aumône", çà compense, faut être juste !! et, presque comique, la peine "d'être mené par les rues avec un chapeau de paille"... des peines extrémes et bénignes sur la même page ! on a pu dire que la "seconde partie du XVIIIe français était "l'époque de toutes les contradictions", car dans le même temps on diffusait l"encyclopédie"..

Un progrès cependant à noter, dans l'ordonnance de 1670 base légale de la pratique judiciaire d'alors : la torture ou question, pratiquée allègrement alors et sans trop d'états d'âmes, devient une peine, elle est donc prononcée par accord du tribunal.. alors qu'avant Louis XIV, la "question" était une pratique au départ dans l'instruction, pratiquée à tout va sur la seule volonté des enquêteurs ... si çà c'était pas un - léger, d'accord.. - progrès !! et remercions au passage louis XVI d'avoir aboli formellement la torture en cours "d'insctruction" en 1780... donc normalement dans 2 ou 3 "LE FLOC'H", moins de tortures dans le commissariat central, le "Chatelet"...

Dans l'épisode "l'Enigme des Blancs Manteaux", le bourreau Samson, présenté comme "Monsieur de Paris", homme délicat et expert en anatomie, voire gentleman, et non pas seulement boucher tortionnaire au tablier taché de sang, explique par le menu les circonstances effroyables du supplice (écartèlement puis bûcher) du régicide Damiens en 1757 auquel il participa au début de sa carrière. Il termine sa narration en bon chrétien en disant du supplicié "Dieu ait son âme, car il a tant souffert..."..et çà l'a tellement marqué qu'il "prie chaque jour que plus jamais personne ne porte la main sur la personne sacrée de nos rois" .. alors que - astuce de l'auteur - c'est lui-même qui guillotinera LOUIS XVI!

Une époque cruelle, certes, mais ou les préoccupations sociales, et touristiques, n'étaient pas tout à fait absentes, la preuve (le 1er ouvrage est de 1785, le guide de paris par contre est de 1798) :

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